EASD 2022 – Que faut-il retenir ?
Cette année, le congrès européen EASD s’est tenu à Stockholm du 19 au 23 septembre. Ce fut l’occasion de présenter les nouvelles avancées, notamment thérapeutiques, en diabétologie, avec toujours l’ambition d’optimiser la prise en charge des patients diabétiques et d’améliorer leur qualité de vie. Pour Saïd Bekka, endocrinologue à l’Institut de diabétologie et nutrition du Centre (Mainvilliers), trois éléments déterminants sont à retenir de cette édition.
QUEL BILAN TIREZ-VOUS DE CETTE ÉDITION ?
Cette édition était un très bon cru. Tous les domaines de la diabétologie moderne ont été abordés et je crois que nous vivons véritablement une époque formidable : nous n’avons jamais eu autant de bouleversements en si peu de temps en diabétologie. Au final, je retiendrais trois volets essentiels de la prise en charge des patients diabétiques, qui augurent des évolutions dans la pratique : la personnalisation des traitements, la consécration des inhibiteurs de SGLT2 et les boucles fermées.
ALLONS-NOUS VERS UN CHANGEMENT DE PARADIGME AVEC LES BOUCLES SEMI-FERMÉES ?
Effectivement, tous ces algorithmes, avec ces matériels extrêmement puissants, sont capables maintenant de réguler le patient dans des conditions les plus optimales possible, avec des baisses substantielles d’hémoglobine glyquée et avec des temps passés dans la cible que nous n’avions jamais vus. Donc, l’avènement de nouveaux capteurs, l’avènement de nouveaux algorithmes et surtout les études qui montrent que non seulement ces systèmes améliorent l’équilibre glycémique, mais surtout améliorent la qualité de vie des patients, augurent un tournant majeur dans la diabétologie. L’engouement suscité par les premiers patients appareillés en France n’est rien à côté de ce que l’on peut voir dans les autres pays comme présenté dans les congrès : il s’agit réellement d’un satisfecit total. Il y a une grosse impatience en France pour que ces algorithmes puissent être largement plus accessibles. C’est une révolution qui s’annonce, un changement de paradigme avec, in fine, la nécessité de changer nos pratiques.
Nous l’avions déjà compris avec les nouvelles classes thérapeutiques que nous utilisons de plus en plus, et c’est confirmé dans le diabète de type 1 avec les boucles fermées, les capteurs, les stylos connectés qui sont autant de matériels qui nécessitent une connexion et des plateformes qui vont être capables de nous donner plus de visibilité sur ce qu’est le présent des patients, mais aussi leur futur. En clair, le diabétologue moderne devra, s’il veut pouvoir suivre au mieux les évolutions et surtout offrir à ses patients un maximum d’être au mieux, à la fois sur le plan métabolique, que sur le plan de sa qualité de vie, se connecter de plus en plus avec des plateformes sur lesquelles les patients vont pouvoir télécharger leurs données, pour être visualisées par le praticien.
Cela change évidemment le cours habituel des consultations, avec l’arrivée du digital, qui devient essentiel tant dans le diabète de type 1 avec les boucles fermées que dans le diabète de type 2 puisque l’apparition des stylos connectés nous offre une nouvelle approche dans la connaissance. Maintenant, nous allons disposer des profils glycémiques des patients, ce que nous avions déjà, mais en plus, en regard, des doses d’insuline qu’ils s’injectent ou pas. Grâce à ces systèmes, nous allons pouvoir, avec le patient, essayer de décortiquer au mieux ses fluctuations glycémiques, mieux les comprendre et mieux les prévenir. Ce qui signifie que ce monde digital n’est surtout pas à redouter, mais à accompagner pour qu’on puisse être au plus près du besoin des patients. Comme l’a si bien dit Nelson Mandela, « Tout ce qui est fait pour nous sans nous est fait contre nous ». L’objectif est donc non pas de perdre en humanité, ce qui fait les belles valeurs de la diabétologie, mais il s’agit de gagner en pertinence et, ce qui doit rester en filigrane, c’est la qualité de la relation que nous avons avec le patient qui sera fondée sur l’expertise, la compétence, l’analyse fine et l’échange. Nous vivons de vrais bouleversements qui vont bien sûr impacter largement la vie de nos patients, mais aussi la profession.
QU’ENTENDEZ-VOUS PAR PERSONNALISATION DES TRAITEMENTS ?
Cette idée de personnalisation commence à prendre une place réellement importante, comme nous avons pu le voir dans la présentation relative à la mise à jour des recommandations EASD/ADA de prise en charge du diabète de type 2. Le patient est placé au centre de la décision : le traitement est proposé en fonction de ses besoins, de ses capacités, de son phénotype… Nous sommes donc au plus près de sa vérité. La décision thérapeutique n’est plus le fruit de la simple déclinaison de ses problèmes cardiovasculaires et de son hémoglobine glyquée, mais elle prend aujourd’hui en compte ce que le patient est en capacité de pouvoir subir, comprendre et faire. Plus nous personnalisons le traitement, plus nous allons être efficients. Le tournant annoncé depuis des années dans notre spécialité avec la personnalisation de la prise à charge commence clairement à se concrétiser.
QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DES BONS RÉSULTATS DES INHIBITEURS DE SGLT2 ?
Ces médicaments, au-delà de faire baisser le diabète et d’améliorer le poids, se révèlent extrêmement puissants sur l’insuffisance cardiaque et sur l’insuffisance rénale. Ces résultats étaient déjà connus, mais ont été confirmés par les études présentées. La disponibilité de cette classe thérapeutique très efficace devrait venir balayer tout l’organigramme décisionnel jusqu’alors plutôt centré sur les DPP4 et les sulfamides. Cette classe va être de plus en plus à l’ordre du jour, en bithérapie, sachant que l’autre classe thérapeutique, les analogues du GLP1, est un peu plus ancienne, mais a toujours le vent en poupe, et a encore montré son efficacité. Ces deux classes ont été à l’honneur lors de ce congrès et on sent de plus en plus que la bithérapie naturelle s’impose avec ces molécules.
LE MOT DE LA FIN ?
Le congrès était pour tout cela captivant. Nous avons eu également des mises au point sur le diabète gestationnel, sur les neuropathies, que nous commençons à mieux comprendre ou encore sur les thérapeutiques à venir. Je pense notamment, dans le cadre de l’obésité, à un nouveau venu, le tirzépatide, qui semble être révolutionnaire et qui peut-être va remiser la chirurgie bariatrique au rang des antiquités. Tous ces éléments sont passionnants, car ils ouvrent un nouveau chapitre en matière de connaissances et d’approches dans le diabète de type 1 et dans le diabète de type 2. Nous sentons les prémices d’une ère nouvelle et nous sentons surtout, qu’en diabétologie, rien ne sera plus comme avant !
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