Les nouvelles technologies à l’honneur des Journées Antillaises de Diabétologie et Endocrinologie (JADE)
Les 10 et 11 mai derniers, les Journées Antillaises de Diabétologie et Endocrinologie (JADE) se sont tenues au Gosier, en Guadeloupe. Pour savoir ce qu’il faut retenir de cette 11éme édition, nous avons interrogé l’un des co-présidents, le Dr Jean-Paul Donnet, endocrinologue-diabétologue à la Clinique de Choisy le Gosier (Guadeloupe), ainsi que l’une des intervenantes, le Dr Pauline Schaepelynck, endocrinologue-diabétologue au CHU de Marseille.
Bilan de l’édition 2023 et perspectives avec le Dr Jean-Paul Donnet
Pouvez-vous nous faire un bilan de l’édition 2023 ?
Cette édition a bien marché, malgré une date qui n’était pas optimale pour beaucoup des participants habituels. Et c’est d’ailleurs ce qui va nous amener, pour la prochaine édition, à nous resituer vers nos périodes classiques qui avaient été perturbées par la pandémie. Nous allons ainsi très probablement revenir au mois de janvier, sûrement fin janvier, à préciser en fonction des disponibilités et sans interférer avec d’autres manifestations. Ceci étant dit, ce fut tout de même un bon cru, avec des salles pleines pour chaque session, et, au total, plus de 150 inscriptions.
Quelles sont les thématiques phares qui ont été traitées cette année ?
Comme chaque année, tout ce qui a attrait à la technologie, mais aussi, et qui est très important, le vécu de la technologie, qui avait peut-être été un peu négligé dans les thèmes abordés jusque-là et, visiblement, cela a beaucoup plu aux participants. Nous avons été étonnés par la participation, que ce soit des médicaux, mais également des paramédicaux, qui vraiment ont été très intéressés par ces sessions. Ensuite, le sujet très transversal que représente l’obésité, la chirurgie de l’obésité, a également été beaucoup apprécié, alors que c’était plutôt sur les créneaux dédiés à l’endocrinologie. Nous avons nettement dépassé les audiences habituelles. Pour finir, je pense à la thématique éducation et notamment l’adaptation des outils éducatifs.
Une session vous a-t-elle particulièrement marquée ?
Effectivement, je pense à l’intervention très intéressante de Marc Breton. Sur la cohorte de tous les patients sous Control-IQ, il a analysé tous les facteurs utiles dans les réglages des paramètres pour la mise sous boucle fermée : ceux qui influençaient le plus les facteurs glycémiques (temps dans la cible, HbA1C…), ceux avec la moindre incidence possible sur les risques d’hypoglycémie… Je viens d’ailleurs de le mettre en pratique pour les nouvelles mises sous boucle fermée et c’est assez magique, avec des résultats immédiats. Je tiens vraiment à insister sur cette intervention, car je crois qu’une partie de la salle n’a pas compris l’importance de ce qui a été présenté. Le Dr Breton nous a donné des outils fabuleux pour la simplification de la mise sous boucle fermée. Nous avons les recettes pour que cela fonctionne quasiment tout de suite.
Est-ce qu’il y avait des interventions qui abordaient plus spécifiquement les problématiques rencontrées aux Antilles ?
Oui, tout à fait. Il y avait une session, qui a très bien fonctionné également, sur l’ETP adaptée au public antillais, présentée par l’une de nos consœurs martiniquaises, Monique Lahely. Ce n’est pas la première fois qu’elle intervenait à JADE et, cette année, elle a fait le point sur l’évolution de son outil E.T.A.P.E. C’était vraiment très intéressant.
Par ailleurs, en ce qui concerne les outils d’éducation, nous travaillons à en adapter au contexte antillais. Nous envisageons d’une part, avec le Dr Saïd Bekka, de décliner le logiciel de réalité virtuelle d’éducation au diabète CARE INNOV avec des thèmes plus antillais. Et d’autre part, toujours avec le Dr Saïd Bekka, nous pensons développer un versant antillais pour l’outil de Novo Nordisk sur les index glycémiques, avec des modes de cuisson et des légumes antillais par exemple.
Le passage en droit commun de la télésurveillance est acté pour le 1ᵉʳ juillet. Comment l’abordez-vous ? Est-ce déjà d’actualité aux Antilles ?
Nous utilisons déjà beaucoup la télésurveillance, et nous basculons sur l’outil spécifique pour la télésurveillance en droit commun, Glooko XT®. C’est donc tout à fait d’actualité, d’autant que c’est déjà pour nous un outil quotidien. Cette thématique a d’ailleurs été abordée lors de JADE, avec notamment le Dr Saïd Bekka comme intervenant.
Quelles sont les perspectives pour l’édition 2024 ?
Il s’agit toujours de la même recette fondamentale, c’est-à-dire qu’il y aura toujours, bien sûr, la partie technologique. D’ailleurs, c’est souvent l’occasion de dévoiler des nouveautés, puisque, historiquement, JADE a lieu en amont de tous les autres congrès tels que ATTD, SFD… Du fait du calendrier, ce n’était pas le cas cette année, nous étions plus dans le bilan de ce qui s’était passé, alors qu’habituellement, nous sommes plutôt dans l’ouverture de la porte ! Donc, en plus de cette grosse partie dédiée à l’évolution des nouvelles technologies, nous aimerions proposer des sujets de diabétologie peut-être plus classiques et plus pratiques, avec des focus sur les nouveautés thérapeutiques. Évidemment, il y aura également des thématiques autour de l’endocrinologie. Mais, je ne peux pas vous préciser aujourd’hui les sujets abordés. Notre pré-programme devrait être bouclé a priori fin juin.
Autre possible nouveauté, une ouverture vers le continent américain francophone. En effet, jusqu’à présent notre public était essentiellement composé de médecins, spécialistes et de paramédicaux antillais et métropolitains. Nous travaillons étroitement, et les retours sont très positifs, avec nos collègues canadiens, qui montrent un intérêt important à nos journées, d’autant que, pour eux, c’est assez facile de venir en Guadeloupe (même fuseau horaire, plusieurs liaisons aériennes directes par semaine…). Ils devraient d’ailleurs participer à l’élaboration du programme.
La télésurveillance avec le Dr Pauline Schaepelynck
Qu’est-ce qui vous a particulièrement intéressé cette année ?
Le congrès était très axé sur la boucle fermée et toutes les technologies appliquées au diabète. Et c’est vrai que c’est l’esprit même du congrès. Nous avons donc parlé technologies, études cliniques, nouveaux systèmes de boucle fermée, etc. Mais ce qui était particulièrement intéressant cette année c’est qu’il y a eu plusieurs sessions qui ont traité de ce que la technologie a fait évoluer dans la relation humaine, dans la relation du professionnel de santé et de son patient. En effet, au-delà des bénéfices en termes d’efficacité de ces nouvelles technologies, qui sont vraiment au rendez-vous, nous avons pu également voir des bénéfices en termes humains. Paradoxalement, alors que cette technologie peut faire peur, elle peut aussi rapprocher le patient de son professionnel de santé. J’ai le sentiment que cette année nous avons trouvé un équilibre entre technicité, humanité et relation de soins, car c’est aussi le cœur de notre métier. J’ai également trouvé l’atelier d’Alain Golay sur l’empowerment en pratique passionnant. Il montrait notamment en quoi la boucle fermée pouvait renforcer le pouvoir d’agir du patient. Par ailleurs, à côté de la technologie, la plénière inaugurale était centrée sur la greffe d’îlots avec un face-face par rapport à la boucle fermée. En bref, c’était vraiment un congrès très équilibré et passionnant.
La télésurveillance a-t-elle été abordée ?
Oui, bien sûr, car elle a toute sa place dans la mise en route et même le suivi au long cours de la boucle fermée. Il y a eu notamment l’atelier Télésurveillance et systèmes de boucle fermée, durant lequel le Dr Saïd Bekka a présenté la solution Glooko XT® de manière très interactive. Il a fait travailler les participants en groupe sur des données de la plateforme, puis en a fait une synthèse. Il a bien souligné l’importance du vocabulaire à utiliser. Car, en effet, la technologie peut effrayer les patients, « Docteur, vous parlez de télésurveillance : vous allez me surveiller, regarder tout ce que je fais ? ». Et il y a tout un vocabulaire associé : téléchargement, plateforme… qu’il faut savoir vulgariser pour ne pas inquiéter. Une fois que tout est clair pour le patient, celui-ci se rend compte qu’il n’est pas “surveillé”, qu’il a lui aussi accès à ses données et surtout qu’il peut échanger avec son équipe médicale. Cet échange nous permet de pouvoir mettre en parallèle la courbe de glycémie, les données d’insuline au contexte du patient (a-t-il fait de l’activité physique ? A-t-il eu un repas différent d’habituellement ? A-t-il été stressé ?…) et ainsi de faire une vraie analyse et de pouvoir proposer des adaptations si besoin. Il faut avoir cette compréhension des données patients pour pouvoir adapter. Le Dr Saïd Bekka le disait bien « il faut voir pour comprendre et comprendre pour proposer ». Les patients le comprennent bien. et sont généralement très satisfaits et très contents qu’on puisse les accompagner ainsi. Et ce n’est ni compliqué ni trop chronophage. Bien sûr, comme pour tout nouveau traitement ou dispositif, il y a tout de même un temps d’appropriation. Mais avec la courbe d’apprentissage, on va de plus en plus vite. Pour ce qui est de la plateforme Glooko XT®, qui faisait l’objet de l’atelier, la visualisation des données est très simple et, avec un peu de pratique, on va directement aux rapports qui nous intéressent. Au final, par le biais de la télésurveillance, on peut emmener le patient dans cette analyse des données. Ce qui est l’un des objectifs de la boucle fermée : accompagner le patient vers l’autonomie.
Que pensez-vous du passage en droit commun de la télésurveillance ?
Jusqu’à présent la télésurveillance était cadrée par le programme d’expérimentation ETAPES. C’est vrai que certains ont eu un peu de mal à s’y mettre parce que cela semblait compliqué : il y avait un parcours, il fallait déclarer à l’ARS, demander l’autorisation du patient… Cette procédure un peu fastidieuse a pu être un frein. Cependant, avec la boucle fermée, on s’est rendu compte que la télésurveillance était indispensable. Finalement, la boucle fermée a eu comme un effet starter sur la télésurveillance. Le fait qu’elle passe en droit commun c’est vraiment très intéressant. En effet, la boucle fermée étant un nouveau traitement pour le patient, pouvoir avoir un accompagnement à distance est rassurant pour lui. Il peut voir ses données, cela l’aide à prendre confiance. C’est également rassurant pour nous, professionnels de santé, en permettant d’intervenir plus vite pour ajuster des paramètres sans l’inertie parfois induite par les délais entre les consultations. Tout le monde est gagnant. Et le diabète se prête vraiment bien à la télésurveillance. Quand on met en place une boucle fermée, on a besoin d’accompagner le patient dans les premières semaines pour ajuster les paramètres, identifier les difficultés, les freins, etc. La télésurveillance facilite clairement les choses, d’une part sur le plan des résultats métaboliques, car ils sont au rendez-vous, mais aussi je trouve que cela rapproche le patient des équipes et les équipes du patient. C’est étonnant parce que c’est un outil technologique, mais qui renforce la relation de soins. Donc clairement, c’est positif.
Pour en savoir plus : jade-diabete.com
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