Glooko XT

a télésurveillance est officiellement passée dans le droit commun et est ainsi désormais valorisée. En quoi cela donne une nouvelle perspective à la diabétologie ? Nous faisons le tour de la question avec le Dr Laurent Meyer, endocrinologue libéral à Strasbourg et praticien hospitalier à mi-temps aux hôpitaux universitaires de Strasbourg.

La télésurveillance, une révolution

Alors qu’elle était expérimentée dans le cadre du programme ETAPES depuis plusieurs années, la télésurveillance est officiellement passée dans le droit commun et est ainsi désormais valorisée. En quoi cela donne une nouvelle perspective à la diabétologie ? La télésurveillance est-elle une opportunité pour la diabétologie ? Nous faisons le tour de la question avec le Dr Laurent Meyer, endocrinologue libéral à Strasbourg et praticien hospitalier à mi-temps aux hôpitaux universitaires de Strasbourg.

La télésurveillance, une opportunité pour la diabétologie

Pourquoi la rémunération de la télésurveillance va changer les pratiques ?

Jusqu’à présent, la télésurveillance était peu pratiquée par les diabétologues hospitaliers et libéraux du fait des difficultés rencontrées dans le cadre du programme ETAPES. Il y avait donc une sous-utilisation de cet acte de télésurveillance qui est pourtant un acte majeur pour une maladie chronique telle que le diabète et en particulier pour les patients insulinotraités. À partir du moment où l’acte de télésurveillance est reconnu et valorisé, il va pouvoir cette fois rentrer officiellement dans les pratiques et permettre à des diabétologues de pouvoir être rémunérés à la hauteur de ce qu’ils font réellement au quotidien, mais qui n’était jusqu’à présent pas ou peu visible par les tutelles.

C’est en ce sens une véritable révolution puisque cette maladie s’y prête particulièrement. Je pense vraiment que la pratique va être transformée par cette entrée en droit commun et que beaucoup plus de médecins diabétologues vont pouvoir s’approprier cet acte de télésurveillance.

Pourquoi la télésurveillance est une opportunité pour la diabétologie ?

Le diabète est une maladie chronique sournoise et, entre les consultations médicales, le patient est seul face à ses difficultés, à toutes les situations de la vie qui peuvent influencer ses glycémies. Ces aspects pratiques du quotidien ne sont que partiellement abordés en consultation par manque de temps. Si le patient traité par insuline peut évoquer lors de la consultation certaines difficultés qu’il a pu rencontrer, on ne l’accompagne pas nécessairement correctement dans des périodes qui peuvent être délicates à gérer : la mise en place d’une insuline basale, un changement de schéma insulinique ou encore la mise en place d’une pompe à insuline. L’insulinothérapie de la grossesse est également une période particulièrement sensible à aborder pour les patientes concernées et l’arrivée des systèmes de délivrance automatisée d’insuline doit nécessairement s’accompagner d’une aide initiale de plusieurs semaines après sa mise en place.

Très souvent, les patients se sentent un peu démunis et s’adaptent comme ils peuvent avec des risques de décompensation hyperglycémique ou au contraire avec le risque d’hypoglycémie majeure. Avec la télésurveillance, le patient se sent accompagné, il se sent moins seul, il est rassuré. Il faut préciser que cette télésurveillance n’est pas permanente, le schéma proposé par les tutelles indique une durée initiale de 3 mois, renouvelable. Si le patient va bien et qu’il gère correctement son insulinothérapie, il n’y a pas besoin de mettre en place une télésurveillance, en revanche, s’il traverse une période d’instabilité glycémique, on peut activer la télésurveillance et l’accompagner à distance.

La télésurveillance est-elle également une opportunité pour les diabétologues exerçant en libéral ?

Bien sûr et c’est peut-être même dans cette situation que la diabétologie va le plus évoluer. Dans les services hospitaliers, la télésurveillance est en général pratiquée par une équipe, alors qu’en milieu libéral, cela peut être plus compliqué puisque le praticien est souvent seul. Le passage en droit commun permet la mise en place d’une télésurveillance bien codifiée, avec trois niveaux de rémunération en fonction de la complexité de la situation clinique du patient, et ainsi de valoriser facilement cet acte de télésurveillance au même titre qu’une consultation, qu’une téléconsultation ou encore qu’une télé-expertise. Une facturation régulière (mensuelle ou à la fin des trois mois) est proposée.

La télésurveillance rentre donc ainsi dans le cadre des actes qu’un diabétologue peut réaliser dans son quotidien : la consultation classique au cabinet ou à l’hôpital, la téléconsultation si besoin ou encore la télé-expertise. Donc oui, en diabétologie libérale, je crois qu’il s’agit également d’une révolution qui s’annonce.

Et pour les équipes soignantes

Quels sont les avantages pour les équipes soignantes ?

Pour les équipes soignantes, il y a plusieurs avantages. D’abord, cela maintient un lien entre le patient et les équipes permettant d’accompagner le patient dans des moments difficiles à gérer d’un point de vue insulinique. Là encore, c’est une valorisation importante du travail de l’équipe qui suit le patient. Cela permet ainsi d’éviter des hospitalisations. La télésurveillance en diabétologie, mais aussi en cardiologie ou en néphrologie, était initialement destinée à éviter les accidents aigus, comme les décompensations sur le mode cétosique ou acidocétosique ou les hypoglycémies sévères chez les sujets insulinotraités.

En ayant cet accompagnement thérapeutique, c’est-à-dire en donnant au patient des conseils lorsqu’il en a besoin, au vu de ses courbes de mesure en continu de glucose ou de son autosurveillance à domicile, on peut éviter des accidents aigus et donc des hospitalisations en urgence. Cela complète la prise en charge des visites en présentiel ou en hôpital de jour. C’est véritablement un outil qui manquait beaucoup dans notre pratique et qui maintenant va trouver sa place.
En outre, cela permet une meilleure visibilité de notre discipline auprès de nos tutelles, puisque les actes de télésurveillance vont pouvoir être répertoriés alors que ce n’était pas le cas jusqu’à présent. Cela va clairement montrer qu’au sein de la diabétologie la télésurveillance est une composante à part entière demandant un travail considérable qui se faisait dans l’ombre, qui n’était pas pris en compte par les tutelles et qui est pourtant un travail indispensable d’aide au quotidien du patient.

Est-ce que c’est rassurant pour les équipes soignantes et pour le patient ?

Oui, et c’est ce qui revient le plus souvent dans le discours des soignants et des patients. La télésurveillance permet des contacts, éventuellement une conversation téléphonique, voire une téléconsultation si besoin. Car la télésurveillance n’exclut absolument pas d’organiser une consultation à distance, qui peut permettre de débusquer des pièges éventuels à venir et d’anticiper par exemple une montée de glycémie en donnant des consignes d’adaptation insulinique adaptées. Il s’agit d’un contexte idéal pour éviter les complications aiguës.

En pratique

Comment s’organiser pour le mettre en place ?

Il y a sûrement de multiples manières de mettre en place une télésurveillance en diabétologie. Par exemple, en milieu hospitalier, on la pratiquait déjà grâce à des infirmières dédiées à la médecine connectée et à la télésurveillance, voire des IPA. En milieu libéral, c’est évidemment un peu plus compliqué, et chacun s’organisera comme il le souhaite (par exemple avec une infirmière libérale spécialisée ou une IPA libérale dans le cadre d’un protocole de coopération avec reversement d’honoraires).

À titre personnel, j’ai la chance de pouvoir travailler dans deux lieux, à l’hôpital à mi-temps et dans un cabinet libéral dans lequel nous bénéficions de la présence d’une IPA dont l’une des activités est d’être en première ligne pour la gestion des alertes puis la lecture des courbes si nécessaire et assurer cette télésurveillance. En cas de difficultés ou de doute, elle discute avec l’opérateur (le médecin prescripteur) afin d’évaluer la situation et de mettre en place des modifications de doses ou des anticipations le cas échéant. Elle peut ensuite contacter le patient pour en discuter directement.

Cela peut aussi parfaitement se réaliser seul pour un praticien s’il peut se bloquer des temps dédiés (une demi-journée par semaine par exemple) pour consulter les alertes déclenchées, lire les courbes si besoin et éventuellement contacter les patients.

Est-ce-que vous avez déterminé la part de patientèle qui pourrait être suivie en télésurveillance ?

Les indications de télésurveillance concernent tous les patients DT1 et DT2 insulino- traités ainsi qu’en cas de grossesse (soit avec un diabète gestationnel insuliné soit en cas de DT1 et DT2 traité par insuline) sans restriction d’âge et d’HbA1c

Dans cette population, la moitié, voire les deux tiers des patients pourront, à un moment ou à un autre, bénéficier d’une télésurveillance sous réserve d’être capable de télécharger régulièrement leurs données afin de pouvoir les partager avec leur diabétologue. Car, encore une fois, il ne s’agit pas d’une télésurveillance permanente, mais utile lorsque la situation clinique le justifie. Ce n’est donc pas une fraction minime de patients, mais une majorité de notre patientèle diabétique insulinotraitée qui a besoin de temps en temps de cette télésurveillance.

Conclusion

La télésurveillance est une opportunité ? Le mot de la fin ?

Dans notre discipline, tout ce travail d’aide, de soutien, de conseil aux patients insulinotraités va pouvoir enfin être individualisé et être mis en lumière, ce qui est, je crois, vraiment très important pour la diabétologie moderne. Il faut s’emparer de la chance qui nous est offerte de disposer de cet outil, enfin reconnu et valorisé. 

Références :

Journal Officiel : arrêté du 22 juin 2023

Rappel Programme ETAPES