Glooko XT

La télésurveillance des patients diabétiques en pratique

Dans le cadre du passage en droit commun, nous souhaitons revenir sur le programme ETAPES qui a permis aux services de diabétologie d’expérimenter maintenant depuis plusieurs années la télésurveillance pour leurs patients diabétiques. Comment cela se passe en pratique ? Quel bilan peut-on en tirer ? Nous faisons le tour de la question avec Gladys Gubranski, infirmière en pratique avancée au sein du service d’endocrinologie-diabétologie de l’Hôpital Bichat – Claude-Bernard à Paris, utilisant Glooko XT®, anciennement Diabnext. 

DANS VOTRE SERVICE, COMBIEN DE PATIENTS SONT INCLUS DANS LE PROGRAMME ETAPES ?

Nous avons commencé ETAPES en 2018 et nous avons plusieurs centaines de patients qui sont inclus dans le programme.

QUELS SONT LES PROFILS DE PATIENTS SUIVIS ?

Il n’y a pas de profil de patients défini. Nous incluons tous les patients qui rentrent dans les critères ETAPES et qui sont relativement autonomes avec leur téléphone portable et leur système d’autosurveillance, à partir du moment où nous avons leur consentement. Si besoin, l’autosurveillance peut être prise en charge par les aidants du patient (leurs enfants par exemple qui font remonter les données et interagissent avec nous sur la messagerie ou lors des entretiens téléphoniques ou physiques en cas de besoin). 

QUELS SONT VOS ARGUMENTS LORS DE L’INTÉGRATION DE VOS PATIENTS AU PROGRAMME ETAPES ?

Dans un premier temps, le diabétologue identifie les patients éligibles au programme et un rendez-vous physique individuel est organisé. C’est l’occasion de présenter le programme et d’expliquer les conditions de la télésurveillance médicale. Nous précisons au patient qui aura accès à ses données, quelles seront les personnes qui vont interagir avec lui, ce que cela implique pour lui et pour nous et, bien sûr, l’objectif de cette télésurveillance.

Un de nos principaux arguments est le fait que ce soit son médecin qui lui propose cet outil et que ce suivi sera réalisé par les membres de l’équipe qu’il connaît déjà bien et non par des personnes extérieures. Nous lui expliquons que la majorité des échanges se fait via la messagerie : il pourra nous contacter par ce biais (et inversement) quand il aura des questions sans avoir besoin de se déplacer et, consultant régulièrement la messagerie, nous lui répondrons rapidement. Pour le patient, ce n’est pas un changement radical dans sa prise en charge. Il s’agit simplement de faire remonter ses données.

Par ailleurs, le patient doit comprendre que ce n’est pas une ligne d’urgence. Nous regardons certes régulièrement ses données, mais nous ne sommes pas dessus en permanence : il s’agit d’un suivi et non d’une surveillance en direct. Il ne s’agit pas non plus de “flicage”, il peut manger un gâteau sans que nous intervenions ! 

En résumé, il faut vraiment voir cet outil comme un accompagnement supplémentaire dans le parcours de soin pour aider le patient à gérer son diabète et son quotidien avec moins de déplacements à l’hôpital. Cet outil permet de garder le contact avec les patients et aussi de les sécuriser. Je pense notamment aux sorties d’hospitalisation (qui sont de plus en plus précoces), une période charnière et parfois difficile, les patients se retrouvant un peu livrés à eux-mêmes avec leur insuline, leur autosurveillance… Au total, nous avons très peu de refus.

EST-CE FACILE AVEC TOUS VOS PATIENTS QUELQUE SOIT LEUR MILIEU SOCIAL ?

Une partie de nos patients sont issus de milieux défavorisés. Et cela fonctionne également bien. La précarité sociale n’impacte que très peu l’équipement en smartphone et l’accès au numérique pour ce qui concerne nos patients. Dans certains cas, il peut y avoir une barrière de la langue, mais finalement, par messagerie cela se passe bien, en passant par l’anglais parfois ou en simplifiant les messages voire grâce aux émoticons ! 

EN PRATIQUE, UNE FOIS INSCRIT DANS LE PROGRAMME, COMMENT SE PASSE LE SUIVI ?

Il y a trois intervenants dans le programme de télésurveillance : une infirmière d’éducation qui gère le suivi des alertes et interagit avec les patients ; une infirmière en pratique avancée (moi) qui participe au suivi des patients, en particulier avec ceux qui nécessitent un suivi plus rapproché ; et un médecin en charge de l’aspect médical de la télésurveillance. Nous recevons les données de glycémie, et les doses d’insuline (de plus en plus grâce aux stylos connectés), ainsi que les informations relatives à l’activité physique grâce à la remontée des données de podométrie. 

Nous avons deux “missions“ principales. La première consiste à gérer les alertes (hypoglycémies ou hyperglycémies) qui sont transmises de manière quotidienne via l’application. Dans ce cadre, nous intervenons essentiellement par messagerie et, selon les cas, nous appelons le patient. 

Parallèlement, nous effectuons un accompagnement thérapeutique mensuel afin de poursuivre le développement des compétences des patients à gagner en autonomie par rapport à leur traitement. Cette partie se fait selon les besoins et le profil du patient soit en rendez-vous physique de consultation d’éducation, soit en rendez-vous visio, soit en échanges dans l’espace parcours thérapeutique (avec fiches thématiques) de l’application.

QUEL EST LE BILAN POUR LES PATIENTS ?

D’après leurs retours, les patients sont satisfaits d’avoir accès à leur équipe de diabétologie “en direct” via l’application, et considèrent que cela allège le poids de la gestion de la maladie. De plus, comme le montrent les études, cela contribue à l’amélioration des résultats glycémiques. Finalement, il n’y a pas de contraintes supplémentaires pour le patient dans le parcours de soin tout en apportant des bénéfices en termes de qualité de vie et d’équilibre glycémique.

ET POUR L’ÉQUIPE SOIGNANTE ?

C’est assez rassurant d’avoir accès aux données des patients et d’avoir un contact facilité avec eux. La messagerie permet des échanges rapides et peu chronophages pour ajuster l’accompagnement parallèlement aux entretiens téléphoniques ou physiques. 

AVEZ-VOUS DES CONSEILS POUR SE LANCER DANS LA TÉLÉSURVEILLANCE ? 

Il ne faut pas rester dans des représentations qui suggèreraient que le soin à distance n’est pas du soin et que la relation avec le patient est altérée par le digital. Il faut tester par soi-même pour voir que cela nous correspond. Mais d’après mon expérience, la relation avec le patient n’est pas du tout altérée, au contraire, ça l’enrichit, d’autant que les patients et les associations de patients sont demandeurs. Nous devons nous adapter aux changements sociétaux et aux pratiques qui vont notamment vers plus de digital et répondre aux besoins et aux attentes des patients. Il ne faut pas avoir peur du numérique, même si cela nous bouscule un peu.  

VOYEZ-VOUS DES PISTES D’AMÉLIORATION ?

Il est indispensable que les dispositifs soient interopérables, aujourd’hui c’est plutôt bien, mais il faudra que cela s’adapte aux évolutions constantes et rapides des dispositifs.  

Ensuite, on pourrait encore élargir la télésurveillance avec de nouvelles fonctionnalités : il y a aujourd’hui un système de messagerie, de remontées des données… pourquoi pas des « lives », des ateliers d’éducation thérapeutique avec les patients, des groupes de parole… pour poursuivre l’accompagnement. Je pense par exemple à CoviDIAB qui a été mis en place pendant la pandémie, à l’initiative des Pr Boris Hansel et Pr Ronan Roussel. Le dispositif permettait aux patients et aux professionnels spécialistes en diabétologie d’interagir notamment avec des « lives ». Les patients pouvaient ainsi accéder à des données fiables et sûres communiquées par des diabétologues dans un contexte où la gestion de l’information était très compliquée et qu’on entendait tout et son contraire. Cela a vraiment bien fonctionné.

Je pense donc que si une application est capable d’offrir des moments particuliers d’interactions entre une équipe médicale et les patients, et pas seulement en individuel, cela pourrait être intéressant. 

NOTE DE GLOOKO

Nous prenons bonne note des sessions lives d’accompagnement thérapeutique et proposons de travailler avec vous Gladys sur ce sujet !